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Daniel Gostain

Enseigner autrement, c'est un choix personnel ! http://pedagost.over-blog.com/enseigner-autrement.html

Donner du corps aux savoirs

Connaître, reconnaître, s’approprier le nombre, le verbe, le sujet, la phrase, l’addition, le fleuve, la France… Leur donner du sens, du corps, pour s’en faire, si l’on peut dire, des amis.

Rien de mieux pour cela que la méthode naturelle et le tâtonnement expérimental de la pédagogie Freinet, cette façon de placer l’apprendre dans un processus de travail, de vie et d’accomplissement, permettant de plus les cheminements personnels.

Il n’est cependant pas interdit de penser – les voies de l’apprentissage étant complexes car multiples, passant par du psychologique, du sensoriel, de l’affectif, et du cognitif, bien sûr – que d’autres façons de faire, complémentaires, ont leur raison d’être dans nos pratiques.

Le plus souvent, ça passe par du plus conventionnel, faute d’imagination, parce qu’après tout, on en a été nourris depuis tout petit.

Et si on faisait autrement ?

Cet autrement passe chez moi par un clown, mon clown personnel, qui essaie de se frayer un passage avant que le Père Tradi-Fouettard, qui sommeille aussi en moi, ne rapplique 

Ce clown, il arrive sur ma scène intérieure avec deux caractéristiques dominantes : son corps et son état.

1) Il est porté par son corps, par le mouvement de son corps. On sent que les idées qu’il a en tête sont secondaires au regard de ce que le corps décide. Et c’est par les impulsions du corps qu’il avance dans son cheminement.

2) Le corps est secondé par un état qui lui donne une direction. Mon corps choisit-il d’aller vers la tristesse, la joie, la colère, la peur ? Le corps va se mettre en branle, porté par cet état qu’il a choisi.

C’est seulement ensuite, quand le clown est présent dans toute son épaisseur et sa vitalité, qu’on va entendre ses mots, ses idées, ses propositions.

Ce clown, il peut exister dans chacune de nos têtes adultes, dans chacune de nos classes, et ce d’autant plus que chaque enfant porte un clown naturel en lui, qui pourra dialoguer aisément avec le clown de l’enseignant.

On peut, et même on devrait, laisser une place à ce clown naturel des enfants, si souvent contraint, empêché et brimé par nos injonctions de calme, de sagesse, de « ne bougez pas », de « reste assis », de « t’es un grand maintenant ». C’est ce que j’essaie de me dire chaque jour.

Alors, comment mettre du corps et de l’état dans nos pratiques de classe ?

Quelques idées :

PRENDRE LES SAVOIRS PAR LE CORPS

 

-         Mettre en scène le nombre « 10 » : voir comment sont ses deux parties (son corps), qu’est-ce que ça lui fait d’être le premier nombre à deux parties (l’état), etc.

-         Mettre en scène le verbe « Courir » : voir comment serait son corps, au présent, au passé, au futur, ce qu’il aimerait avoir comme sujet, comme complément et ce qu’il n’aimerait pas avoir.

-         Mettre en scène les fleuves de France : imaginer leur corps à partir de ce qu’on aura vu préalablement sur leur longueur, leur source, leur embouchure, leurs affluents, leur état de fleuve. 

PRENDRE LES FONCTIONS PAR LE CORPS

 

-         Mettre en scène la relation d’addition entre deux nombres : l’état vécu par les nombres additionnés, la transformation corporelle par leur addition.

-         Mettre en scène la relation sujet-verbe, le corps issu de leur relation et leur état évoluant de concert. Si le verbe « Souffrir » est accompagné de « Je », ce sera différent de « Nous » avec le verbe « Aimer ».

-         Mettre en scène le processus de réchauffement d’une quantité d’eau : que devient le personnage « Eau » ? Comment vit-il sa transformation ? 

PRENDRE LES RITUELS DE CLASSE PAR LE CORPS 

On pourrait aller encore plus loin et essayer de s’attaquer aux rituels de la classe en leur donnant du corps.

-         Que des moments du conseil puissent être joués, donnant ainsi à voir la représentation corporelle d’un conflit entre deux élèves, par exemple, et permettant ainsi la distanciation.

-         Qu’au moment du bilan, les enfants aient la possibilité de le présenter en jouant un des personnages-concepts de la journée, celui qu’ils ont découvert, aimé, pas aimé, compris, pas compris.

Ce ne sont que des exemples, issus de ma pratique et de mon imaginaire. Chez moi, ça passe par le clown, mais chacun héberge assurément un personnage secret, doté d’une palette d’émotions, de sensations, d’invention et d’imaginaire, qui ne demande qu’à apparaître et à seconder le praticien qu’on est.

En ces temps où l’on fait tout pour mécaniser nos pratiques enseignantes et uniformiser nos pensées, faire vivre nos valeurs et nos regards sensibles et singuliers me paraît vraiment essentiel pour l’accomplissement de nos élèves.

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